HĂLOĂSE ET ABĂLARD đ±
LâHISTOIRE VRAIE DâHĂLOĂSE ET ABĂLARD SOUS LE RĂGNE DU ROI LOUIS VI, EST CELLE DâUNE PASSION CHARNELLE QUI SE TRANSFORME EN UN LIEN INDĂFECTIBLE EMPREINT DE SPIRITUALITĂ MALGRĂ LES ĂPREUVES TRAVERSĂES. đ
Pierre AbĂ©lard naĂźt en 1079 dans une famille noble. Fils du seigneur du Pallet il est destinĂ© au mĂ©tier des armes comme ses frĂšres. Mais sa soif de connaissance et sa passion des lettres le font se tourner vers lâĂ©ducation. Il se rend Ă Paris oĂč il enseigne la philosophie. Intellectuel surdouĂ©, dialecticien redoutable, il est un jeune professeur admirĂ© par ses Ă©lĂšves. RĂ©putĂ© et respectĂ© malgrĂ© son caractĂšre peu commode.
Ă 36 ans, il est un brillant maĂźtre en thĂ©ologie Ă la CathĂ©drale de Notre Dame de Paris. Le Chanoine Fulbert lui confie lâĂ©ducation de sa niĂšce, HĂ©loĂŻse. Elle a 17 ans. Il est tout de suite bouleversĂ© par son intelligence et sa beautĂ©.
HĂ©loĂŻse naĂźt en 1100. Elle est Ă©levĂ©e et instruite Ă lâabbaye dâArgenteuil, monastĂšre rĂ©servĂ© aux femmes, puis Ă la cathĂ©drale Notre Dame de Paris oĂč son oncle est chanoine. Jeune nonne pertinente, sa vivacitĂ© dâesprit et sa beautĂ© sont troublĂ©es par la prĂ©sence de ce nouveau professeur, Pierre AbĂ©lard, un homme mĂ»r et sĂ©duisant.
Leur histoire ne reste pas longtemps platonique. La passion les inspire et les pousse lâun vers lâautre. Le maĂźtre et lâĂ©lĂšve sâaiment envers et contre tous. La passion charnelle les consume, bien loin des enseignements reçus par chacun dâeux. HĂ©loĂŻse tombe alors enceinte. AbĂ©lard lâenlĂšve et ils se rĂ©fugient en Bretagne oĂč elle donne naissance Ă leur fils Astrolabe.
Elle rentre alors Ă Argenteuil abandonnant son enfant Ă la famille de son aimĂ©. Ils se marient secrĂštement. Sur lâinsistance dâAbĂ©lard et par amour pour lui, elle accepte de se retirer dans le monastĂšre oĂč elle a passĂ© son enfance.
Le scandale de leur relation finit par Ă©clater quand le Chanoine Fulbert furieux dĂ©nonce leur mariage secret et nuisible Ă la carriĂšre dâAbĂ©lard, qui a trahi lâĂ©glise, selon les lois de lâĂ©poque.
Le chanoine emploie alors deux sbires pour punir le philosophe.
En août 1117, il le fait chùtrer, chùtiment habituellement réservé aux violeurs, par des hommes de main, qui ont soudoyé le valet de la victime
DĂšs le lendemain matin, la foule afflue vers les lieux du crime. Les bourgeois de Paris, estimant l'honneur de leur ville en cause3, peut-ĂȘtre moins par la blessure infligĂ©e Ă un Ă©colĂątre que par l'injure faite au second personnage de l'Ătat qu'est le Chancelier Ătienne de Garlande en s'attaquant Ă un de ses proches, saisissent le suffragant Girbert, dont relĂšve le chanoine. L'Ă©vĂȘque juge que le prĂ©judice n'est pas seulement physique, mais que ce qui est lĂ©sĂ©, c'est la notoriĂ©tĂ© d'AbĂ©lard, privĂ© de voir son public sans Ă©prouver de honte. Aussi le tribunal Ă©piscopal condamne-t-il, selon* la loi du talion*, le valet et l'un des exĂ©cutants Ă la castration, mais aussi Ă l'Ă©nuclĂ©ation. Les autres complices n'ont pu ĂȘtre arrĂȘtĂ©s. Fulbert est dĂ©mis de son canonicat, ses biens sont confisquĂ©s. Le vieillard ayant niĂ©, un doute subsiste sur le mobile et les intentions du commanditaire. Aussi AbĂ©lard renonce-t-il Ă faire appel, mais il reçoit sans doute un dĂ©dommagement matĂ©riel pris sur les biens saisis, dont l'usage revient ainsi Ă son Ă©pouse.
Il sera ainsi Ă©masculĂ©. Cette mutilation met un terme Ă sa carriĂšre dâecclĂ©siastique et dâenseignant, mais la vengeance est si cruelle et si scandaleuse que le chanoine se voit relevĂ© de ses fonctions durant quelques annĂ©es.
HĂ©loĂŻse prend le voile Ă lâabbaye dâArgenteuil. Et devient en 1129 abbesse du couvent du monastĂšre le Paraclet, prĂšs de lâermitage fondĂ© par AbĂ©lard et quâelle a su rendre prospĂšre. Philosophe reconnue, elle lâadministrera le restant de sa vie. Loin de son amour quâelle transformera en lien spirituel, mais auquel elle ne renoncera jamais.
AbĂ©lard se rĂ©fugie Ă lâabbaye Saint-Denis oĂč il devient moine et continue ses travaux de philosophie. DĂ©sormais, leur fougueuse passion sâexprimera dans les lettres de leur amour, de magnifiques et lyriques Ă©changes en latin. Elle avoue ĂȘtre condamnĂ©e au cloĂźtre par son amour tragique pour lui, avec qui elle a connu la plĂ©nitude de lâĂȘtre. Lâadmiration intellectuelle et mutuelle jaillit de cette correspondance entre les Ă©poux.
Cet amour au fil des mots nâa pas dâĂąge, il est universel. Dans leur tragĂ©die, les deux amants puisent la source intarissable de leur relation bien au-delĂ du charnel. Empreinte de spiritualitĂ©, leur passion se mue en un Ă©change intellectuel et philosophique qui traverse le temps. PersĂ©cutĂ©s au point dâĂȘtre contraints dâembrasser la vie monastique, rien nâaltĂšre leur lien.
HĂ©loĂŻse n'est pas impliquĂ©e directement mais les thĂšses condamnĂ©es, quant Ă l'exemple de l'innocence d'une femme qui pĂ©cherait par une intention amoureuse, sont celles-lĂ mĂȘmes qui ont prĂ©sidĂ© Ă la conception de l'« amour par estime » (dilectio) qu'elle exprimait vingt-cinq ans plus tĂŽt. Ce moralisme triomphant faisant d'HĂ©loĂŻse le suppĂŽt d'un hĂ©rĂ©tique se diffusera en une tradition populaire_ colportĂ©e_ par les prĂ©dications et sermons, et perdurera dans la doctrine jusqu'au xxe siĂšcle_
AbĂ©lard, malade, doit renoncer Ă porter en personne son appel Ă Rome et prend la retraite qu'on lui offre au prieurĂ© de Saint-Marcel-lĂšs-Chalons puis Ă la maison mĂšre de Cluny. Pierre le VĂ©nĂ©rable organise une rĂ©conciliation avec Bernard de Clairvaux et obtient le pardon du pape. AbĂ©lard aurait acceptĂ© de se dĂ©dire. C'est Ă Saint-Marcel, oĂč il est retournĂ© soigner ce qui est dĂ©crit comme une psore, qu'il meurt au printemps 1142. Les moines, peut-ĂȘtre jaloux d'une relique qui attirerait les faveurs des donateurs, ne prĂ©viennent pas la prieure du Paraclet.
AbĂ©lard meurt en 1142, elle rĂ©clame sa dĂ©pouille et lâensevelit au Paraclet.
Lorsquâelle disparaĂźt en 1164, la lĂ©gende dit que sa volontĂ© dâĂȘtre dĂ©posĂ©e aprĂšs sa mort dans le tombeau de son mari fut respectĂ©e, et quâAbĂ©lard, mort depuis tant dâannĂ©es, Ă©tendit les bras pour la recevoir et les ferma, la tenant embrassĂ©e, Ă jamais.
En 1817 la mairie de Paris fait transporter les restes de ce couple de légende au cimetiÚre du PÚre-Lachaise, leur derniÚre demeure.
Astralabe, Astralabius en latin, Astrolabe en français moderne, est un chanoine nantais nĂ© Ă l'automne 1116 au Pallet, en Bretagne, et mort le 5 aoĂ»t 1171 Ă l'abbaye cistercienne d'Hauterive, en Transjurane impĂ©riale (actuellement dans le canton de Fribourg en Suisse). Fils des cĂ©lĂšbres amants HĂ©loĂŻse et AbĂ©lard, il a peut-ĂȘtre participĂ© Ă l'assassinat de Geoffroy PlantagenĂȘt le Vieux et terminera sa carriĂšre comme abbĂ© cistercien.
Le prĂ©nom a Ă©tĂ© choisi Ă©galement pour la signification de Puer Dei, c'est-Ă -dire rien moins que Fils de Dieu, que forment les lettres restantes lorsqu'on extrait celles d'Astralabius de l'anagramme du nom latin Petrus Abaelardus II, soit Pierre AbĂ©lard le Jeune. HĂ©loĂŻse affirme ainsi l'espoir du salut du monde placĂ© dans la gĂ©nĂ©ration Ă venir et invite Ă l'imitation de JĂ©sus-Christ. En dĂ©diant son fils Ă une des hypostases, celle du Fils, elle file une allĂ©gorie eschatologique de la Sainte TrinitĂ© qui se retrouvera dans l'oraison funĂšbre dĂ©diĂ©e Ă AbĂ©lard et dans sa correspondance. Si l'ĂȘtre aimĂ©, pour elle AbĂ©lard, reflĂšte sur terre l'image du Christ, elle prend elle-mĂȘme dans ce nouveau tableau de la Sainte Famille la place du Paraclet, consolateur du pĂ©cheur. C'est la premiĂšre rĂ©fĂ©rence du thĂšme, qui sera dĂ©veloppĂ© Ă la gĂ©nĂ©ration suivante par la poĂ©sie courtoise, de la dame aimĂ©e cĂ©lĂ©brĂ©e comme consolation de l'Ăąme
Ce prénom est donc en soi un programme philosophique à contre courant voire gnostique et un hommage aux cultures non évangéliques, de la GrÚce antique comme d'Al Andalus. L'enfant sera toutefois baptisé sous le patronage de Pierre, nom en religion de son pÚre.
Les clercs meurtriers échappaient à la justice seigneuriale et se voyaient en général simplement exilés
De sa nouvelle maison, Astralabe est missionnĂ© Ă la fin de l'annĂ©e 1162 par cette abbaye pour devenir le quatriĂšme abbĂ© de la filiale d'Hauterive en Transjurane. C'est lĂ qu'il trĂ©passe le 5 aoĂ»t 1171 Ă l'Ăąge de cinquante quatre ans. L'anniversaire de son dĂ©cĂšs continue d'y ĂȘtre cĂ©lĂ©brĂ© par une priĂšre